06/04/2022
Maroc

Les problèmes de l'eau et du Plan Maroc Vert toujours aussi lancinants

Les rapports et commissions se suivent pour pas grand-chose. Le Plan Maroc Vert (PMV) et la politique de l'eau nationale seront de nouveau sous la loupe des parlementaires, membres du groupe thématique chargé de l'évaluation de la politique publique à la Chambre des représentants. Talbi Alami, président de ladite Chambre, a souligné, dernièrement dans un communiqué, l'importance de l'évaluation, la qualifiant comme étant "l'une des missions principales du Parlement aux côtés de la législation et du contrôle parlementaire", tout en estimant que "ce rôle contribuera à renforcer la position de l'institution législative et sa mission d'évaluation des politiques et programmes publics, sur la base de normes et d'indicateurs scientifiques objectifs, qui aboutissent à l'élaboration d'un ensemble de propositions et de recommandations à même de permettre d'améliorer les futures politiques publiques." Toutefois, si l'intention des députés est louable et l'objectif de leur mission, légitime, il reste que cette évaluation suscite des questionnements. D'abord, l'utilité d'une telle évaluation puisque les rapports et les études sur ces deux sujets se succèdent depuis des années. "Il faut s'attendre à un rapport de plus puisque le diagnostic de la situation, les failles et les solutions sont connus d'avance", indique Mohammed Zaoui, chercheur en sciences politiques […] "La question de l'eau a été plusieurs fois analysée et débattue au sein du Parlement et en dehors (la Cour des comptes, le CESE…) mais la situation demeure la même notamment la gouvernance." En effet, et malgré la détermination et les efforts déployés par le Royaume, la problématique de la gouvernance demeure le maillon faible de la politique de l'eau, selon plusieurs experts qui soutiennent que la question de la gouvernance se pose avec acuité dans un contexte marocain marqué par un niveau de mobilisation des ressources hydrauliques qui oscille entre 11,7 et 12 milliards de mètres cubes et une demande qui se situe entre 13 et 14 milliards de mètres cubes, soit un déficit de deux milliards de mètres cubes. "Si le statu quo se maintient jusqu'en 2030, on prévoit un déficit de 5 milliards de mètres cubes du fait du développement économique, de la croissance démographique et de l'urbanisation."

Ainsi un rapport d'enquête parlementaire a déjà pointé les défaillances de la gouvernance à travers l'exemple de la stratégie nationale de l'eau 2009-2020. Ce rapport mettait en exergue l'inactivation du Plan national de l'eau qui a entravé l'atteinte des objectifs fixés et la disponibilité de données concrètes ; l'instabilité du département de tutelle et la multiplicité des intervenants ; l'absence de vision sur la gestion du secteur de l'eau et le manque de données et d'indicateurs précis ; l'absence de convergence et de coordination dans l'élaboration et l'exécution des programmes relatifs à l'eau ; l'absence de visibilité financière et l'irrégularité des fonds alloués aux projets hydrauliques ; l'assainissement liquide dans le monde rural qui n'a pas été intégré parmi les objectifs prioritaires ; les risques climatiques qui n'ont pas été couverts par les stratégies sectorielles à moyen et à long termes ; l'inactivation de plusieurs dispositions de la loi 15.36 ; la difficulté de cession des terrains pour la construction de barrages et autres projets hydrauliques ; un contrôle limité ; une recrudescence des superficies irriguées par rapport aux ressources hydriques disponibles ; l'infiltration de l'eau de mer dans les bassins hydrauliques (exemple de Souss-Massa) et la surexploitation des eaux souterraines.

Déjà en 2014, un rapport du CESE constatait les menaces sur la qualité et la pérennité des ressources en eau, en raison des activités de l'Homme (prélèvements intenses et pollution de plus en plus étendue) tout en notant que plus de 900 millions de mètres cubes étaient déjà prélevés annuellement des réserves non renouvelables des nappes du Royaume. Le CESE indiquait par ailleurs qu’en dépit de cette situation préoccupante, la conscience citoyenne collective et la gouvernance du secteur enregistraient des déficits face à l'ampleur des enjeux et défis du pays.

Hassan Bentaleb, Libération (Casablanca) – AllAfrica